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Ricardo Bentancur,titulaire d’un doctorat de l’université de Córdoba en Argentine, pasteur et actuellement directeur des publications internationales à la maison d’édition Pacific Press à Nampa, aux États-Unis, propose une réflexion sur notre rapport à la prière.

 

Vous est-il arrivé de penser que vos prières n’étaient que des dialogues avec vous-même, une projection de vos aspirations et de vos désirs, le fruit de votre imagination enfiévrée ? L’idée que la prière était peut-être un acte ridicule et irrationnel du fait que Dieu connaît toutes choses vous a-t-elle déjà traversé l’esprit ? Avez-vous déjà eu un sentiment de frustration en ayant l’impression que vos prières n’étaient pas exaucées ? Avez-vous déjà été en colère contre Dieu parce qu’il n’avait pas répondu à vos demandes ?

Nous nous posons tous ces questions, et d’autres encore, quand nous réfléchissons au mystère de la prière. Et si nous ne nous efforçons pas de comprendre ce que la Parole de Dieu nous enseigne à ce sujet, nous n’obtiendrons pas de réponses à nos questions.

Qu’il serait triste de vivre sans avoir la moindre indication concernant le but ultime de notre existence ! Certes, la vie en elle-même a une grande valeur. Mais elle a aussi un sens qu’il est bon de connaître. La Bible nous enseigne quel est le lien entre la prière et le sens de la vie.

PRIER : UN APPEL ET UNE RÉPONSE

La Bible nous dit que la prière est la réponse inspirée d’un être créé à l’appel et aux promesses de son Créateur. « De même aussi [par la foi] l’Esprit vient au secours de notre faiblesse, car nous ne savons pas ce qu’il convient de demander dans nos prières. Mais l’Esprit lui-même intercède par des soupirs inexprimables. » (Romains 8.26) Qu’est-ce qu’une « réponse inspirée » ? Dieu est-il celui qui appelle et qui répond également ? Comment la prière peut-elle être à la fois un appel et une réponse ?

Pour répondre à cette question, revenons à l’origine de l’humanité. Dans la Genèse, nous apprenons qu’après la chute Adam et Ève ont été envahis par la peur et se sont cachés pour échapper à la présence de Dieu – c’est du moins ce qu’ils croyaient. Mais le Créateur est allé à la recherche de ses créatures. Il les a appelées ainsi : « Le Seigneur Dieu appela l’homme ; il lui dit : Où es-tu1 ? » (Genèse 3.9) Dieu aspirait à entretenir une relation étroite avec les êtres humains. Il a touché la conscience d’Adam et d’Ève – il « appela l’homme ». Et Adam a répondu : « Je t’ai entendu dans le jardin et j’ai eu peur, parce que j’étais nu ; je me suis donc caché. » (verset 10)

C’est l’appel de Dieu et la réponse à cet appel qui ont rendu possible le premier échange entre le Créateur et ses créatures après la chute. Cependant, il n’y a pas de prière – même très succincte – dans cet échange. Pourquoi ? En raison de l’attitude d’Adam : il a fui Dieu et il a eu peur. Puis il a pris conscience de sa situation et a répondu à l’appel de Dieu, mais ce n’est pas le type de réponse qui permet de débuter une relation.

Cependant, ceci n’a pas été la fin de la rencontre entre Dieu et Adam et Ève. La réponse d’Adam n’a pas dissuadé Dieu, bien au contraire. Celui-ci a réagi avec beaucoup d’amour afin de lui proposer une solution à son problème. Quelle a été la réponse divine à la nudité de l’humanité représentée par le premier couple ? La Bible dit : « Le Seigneur Dieu fit à l’homme et à sa femme des habits de peau, dont il les revêtit. » (Genèse 3.21)

Ainsi, dès le commencement, la Bible nous dit trois choses au sujet de notre relation avec Dieu : tout d’abord, elle débute grâce à l’appel empreint d’amour que Dieu nous adresse, parce que toute relation est avant tout une aspiration divine. Deuxièmement, la Bible nous dit que nos tendances naturelles nous poussent à fuir loin de Dieu. Adam a répondu : « Je t’ai entendu dans le jardin et j’ai eu peur, parce que j’étais nu ; je me suis donc caché. » Avoir peur de Dieu, comme si c’était notre pire ennemi ! Troisièmement, Dieu est celui qui apaise la peur que nous ressentons et qui nous pousse à fuir sans cesse. Dieu répond à notre besoin fondamental de protection et il efface la honte que nous ressentons quand nous prenons conscience de notre nudité.

La prière permet d’entrer en relation avec Dieu. C’est à la fois l’appel que Dieu adresse à notre cœur, et la réponse à nos besoins les plus profonds. Et c’est à la fois notre réponse inspirée par Dieu et l’appel qui inspire cette réponse. La véritable prière est une quête et une réponse divines. Cela peut se produire dans le cœur de tous les hommes ! En effet, la prière n’est pas une histoire de confession ou de tradition religieuse. Il n’est pas nécessaire d’être juif, chrétien, hindou, musulman, shinto ou bouddhiste pour recevoir un appel de Dieu et pour y répondre. Au plus profond de lui, chaque être humain ressent cet appel. Il touche notre conscience car nous sommes des créatures humaines. Cet appel touche aussi les athées qui, en niant l’existence de Dieu, le prennent en considération. Dieu est la source de notre existence, et la prière est à la fois l’appel et la réponse qui donnent du sens à notre vie.

Dieu nous appelle au plus profond de notre être, mais c’est une vérité que nous pouvons ignorer, un appel que nous pouvons rejeter. La vérité au sujet de Dieu n’est pas « quelque chose » que nous devons nous « rappeler » et qui serait le fruit de notre raisonnement2. La vérité au sujet de Dieu est un appel qui peut être rejeté (voir Hébreux 3.15).

Ainsi, la prière est avant tout l’expression d’un sentiment d’amour. C’est le premier plaidoyer de Dieu auprès de l’humanité. Et c’est également la réponse que le Saint-Esprit suscite en nous afin que nous puissions exprimer à notre tour un sentiment d’amour profond.

Mais si tout vient de Dieu dans la prière, quelle est la part des êtres humains ? Qu’en est-il des prières de demande et de confession ?

LE SILENCE DEVANT DIEU

Les psaumes nous aident à comprendre le sens véritable de la prière et à répondre à la question du rôle des êtres humains. Ils nous aident à comprendre en quoi consiste la prière et comment invoquer la présence de Dieu dans notre cœur. Dans Psaumes 37.7, David nous dit : « Garde le silence devant le Seigneur, et attends-le. » Le texte de Psaumes 46.11 confirme cette recommandation : « Arrêtez, et sachez que je suis Dieu ! » S’arrêter est un appel à faire silence et à nous tourner vers Dieu qui est la source de toutes les réponses dont nous avons besoin. Faire silence devant Dieu permet de laisser place à l’espérance, car cela nous donne la possibilité d’entrer dans une relation de confiance avec notre Créateur et de le connaître vraiment. Ellen White écrit : « Chacun doit l’entendre parler à son propre cœur. Ayant fait taire toutes les autres voix, et restant en la présence de Dieu, le silence de notre âme nous permettra d’entendre plus distinctement la voix d’En-Haut. ‘Arrêtez, dit-il, et sachez que c’est moi qui suis Dieu.’ Là seulement est le vrai repos où l’on se prépare, réellement, à travailler pour Dieu. Au milieu de la foule en tumulte, et malgré la tension d’une activité intense, l’âme, ainsi rafraîchie, se trouve entourée d’une atmosphère de lumière et de paix. Un parfum se dégage, manifestant une puissance divine, capable de toucher les cœurs3. »

La prière commence par le silence, et non par nos paroles, nos désirs et nos demandes. Nous devons faire taire nos désirs et nos besoins pour commencer à écouter Dieu. Le plus important n’est pas de demander ce dont nous pensons avoir besoin ou ce que nous voulons obtenir ; c’est demander à Dieu de nous accorder le discernement qui nous permet de saisir ce que notre raison ne peut comprendre et ce que notre nature humaine limitée ne peut mesurer, à savoir la présence de la lumière de Dieu dans notre vie (voir Jean 8.12).

Dans la vie, nous devons sans cesse prendre des décisions, et nous nous tournons vers Dieu pour obtenir des réponses. Parfois nous lui présentons nos requêtes dans un élan de désespoir ! Et bien souvent, nous n’obtenons pas de réponse parce que nous exigeons trop de notre raisonnement limité. Nous ne devrions pas réfléchir à la façon dont il convient d’expliquer à Dieu quelles sont nos demandes, ou nous demander de quelle façon nous pouvons nous faire comprendre, car même si nous cessions de le solliciter et acceptions nos souffrances et nos problèmes, nous ne parviendrions pas à le trouver. Ainsi, demandons d’abord à Dieu de nous rendre humbles, afin que nous puissions sentir sa présence dans notre cœur. La présence divine nous permet de repousser les limites de notre conscience, de faire preuve de lucidité et de trouver la paix. Ce moment d’éternité dans notre cœur est la réponse à la promesse de Dieu. Il déclare : « C’est moi qui suis la lumière du monde ; celui qui me suit ne marchera jamais dans les ténèbres, mais il aura la lumière de la vie. » (Jean 8.12) Ainsi, nous pourrons prendre de sages décisions qui résisteront à l’épreuve du temps.

Par conséquent, prier ne consiste pas à demander à Dieu de satisfaire nos désirs et de répondre à nos requêtes, mais c’est lui demander de venir au plus profond de notre être ! Cette lumière accompagne les prières sincères qui ne consistent pas à donner ou à demander des explications pour quoi que ce soit, mais qui consistent à solliciter Dieu pour qu’il se révèle en nous.

 

Cela signifie-t-il que nous ne devrions jamais prier pour faire part à Dieu de nos besoins spécifiques ? Pas du tout. Cela signifie qu’il est à l’origine de tout ce dont nous avons besoin et demandons ! Il passe avant tous nos désirs. Sans la lumière de Dieu, nous ne savons pas ce que nous devons demander, et nous ne pouvons prendre conscience de nos besoins réels (voir Romains 8.26). Nous pouvons avoir cette assurance : « Mon Dieu comblera tous vos besoins selon sa richesse, dans la gloire, en Jésus-Christ. » (Philippiens 4.19, italiques de l’auteur de l’article.)

L’INCARNATION ET LA PRIÈRE

Si la prière est une relation entre le Créateur et ses créatures, de quelle façon cette relation s’exprime-t-elle dans la vie ? Comment Dieu peut-il connaître les aspirations les plus profondes des croyants qui prient ?

Le feu de la prière ne se consume pas dans l’âme de celui qui prie. Non seulement la prière nous permet de nous ouvrir à Dieu, mais elle nous permet aussi de nous ouvrir aux autres. La prière n’est pas un monologue, ce n’est pas un dialogue avec un objet ou avec un être incapable de répondre. Prier, ce n’est pas comme parler à une plante ou à un animal afin d’exprimer nos sentiments. L’acte de prier trouve son expression la plus achevée quand il devient action, quand il devient une œuvre d’amour pour autrui.

L’amour est la sublime manifestation de Dieu dans le monde. Les prières sincères viennent du cœur, montent vers Dieu et nous poussent vers notre prochain. N’est-ce pas la plus grande manifestation de la présence de Dieu parmi les êtres humains ? Qui d’autre que Dieu peut nous pousser à sortir de notre zone de confort pour faire le bien en faveur de nos semblables ? Seul le Créateur, à l’image et à la ressemblance duquel nous avons été créés, peut nous pousser à nous tourner vers notre prochain pour lui tendre la main. Ainsi, nous pouvons dire que l’amour, à savoir l’expression la plus merveilleuse et concrète de la prière, fait le lien entre la prière et l’éthique, et donc entre la prière et le sens de la vie.

Ricardo Bentancur est titulaire d’un doctorat de l’université de Córdoba, en Argentine. Il est pasteur et est actuellement directeur des publications internationales à la maison d’édition Pacific Press, à Nampa, dans l’Idaho, aux États-Unis.

La prière et le sens de la vie

BENTANCUR RicardoDialogue 31 (2019/3), p. 19-21

NOTES ET RÉFÉRENCES

  1. Sauf mention contraires, les textes bibliques sont tirés de la Nouvelle Bible Segond.
  2. https://www.the-philosophy.com/plato-theory-knowledge.
  3. Ellen G. White, Jésus-Christ (Éditions Vie et Santé, 2000), p. 356.