Post-vérité, vérité alternative, théories du complot, manipulations de l’opinion publique. Rien de tout cela n’est nouveau en soi mais notre époque offre des possibilités technologiques inédites mettant à la portée de tout à un chacun la capacité de (dés)informer à loisir. Le dossier crossmedia qui suit propose un regard sur ce sujet brûlant.
Pendant des siècles, le partage de l’information et des nouvelles est resté une affaire d’experts : professeurs, chercheurs, journalistes…, à qui revenait la tâche de transmettre le savoir au plus grand nombre. En dehors de ces canaux, chercher et trouver ce savoir demandait un effort considérable et beaucoup temps. Désormais, l’information est l’affaire de tous, influençant grandement l’évolution du partage des connaissances. Cela a pris des proportions croissantes avec le développement d’Internet et l’avènement des réseaux sociaux.
Désormais, chacun peut trouver sur Youtube des vidéos et des tutoriels sur tous les sujets, du plus trivial au plus complexe : tricot, cuisine, cours de dessin, explications sur la physique quantique, la philosophie ou discussions sur le dernier prix littéraire. On pensera aussi ici à Wikipedia, une encyclopédie en ligne ouverte, à laquelle tout quidam est susceptible de contribuer. Ce n’est plus forcément des professeurs ou des experts, qui apportent des explications, mais aussi des passionnés et des autodidactes, des amoureux de la vulgarisation qui mettent leurs connaissances à la portée de tous, parfois des personnes aux compétences limitées ou aux intentions douteuses.
Le même phénomène se répercute sur le traitement des informations et des nouvelles : en quelques mots sur Twitter ou Facebook, on peut instantanément (c’est-à-dire sans prendre le temps du recul et de l’analyse) commenter un évènement dont on a été témoin ou dont on a simplement entendu parler. Dans ces conditions, difficile de mettre en perspective ce qu’on raconte ou de vérifier ses sources.
Ce n’est d’ailleurs plus tant l’information qui importe que la réaction, l’émotion qu’elle déclenche. Suis-je satisfait, inquiet, bouleversé par ce qui arrive ? Dans tous les cas, le but est que ceux qui lisent le message réagissent eux aussi et donnent leur sentiment. Le fait que les réseaux sociaux s’accommodent de messages courts alimente la chaîne : on écrit peu, vite, sans nuances et sans mesurer la portée de ses paroles ou des fausses informations qu’on contribue à véhiculer.
Cette rapidité, cette facilité d’échange a beaucoup d’avantages, notamment l’ouverture de l’accès au savoir. Mais la médaille a son revers. Comme l’information est toujours plus présente, toujours plus centrée sur nos émotions et nos réactions aux nouvelles, nous nous habituons au sensationnel, à l’immédiat. Les annonceurs et autres acteurs d’Internet cherchent à capter l’attention de la Toile par des titres racoleurs et des faits sordides. On ne s’occupe pas tant de la vérité, de ce qui est transmis, mais plutôt de l’effet domino qu’une histoire peut provoquer. Si assez de gens y croient, elle peut devenir une vérité.
C’est ainsi qu’apparaissent les fake news, ces informations tronquées, voire complètement inventées. À plusieurs reprises, des célébrités on été déclarées mortes sur les radios ou les télévisions, avant que des démentis gênés ne soient publiés, comme cela avait été le cas pour Johnny Halliday avant son décés. Mais c’est sur Internet que le danger est le plus grand car il existe peu de moyens (professionnels, instances officiellement mandatées) de contrôler la véracité des faits et l’honnêteté intellectuelle de ceux qui y postent informations et vidéos. On choisit savamment le titre ou le résumé, ainsi que les images, pour jouer sur le sentiment d’insécurité ou d’injustice des internautes, par exemple. La désinformation fait si bien son œuvre qu’on voit aujourd’hui ressurgir des personnes persuadées que la terre est plate.
Les fake news, ou informations biaisées, concernent tous les sujets, y compris le religieux et l’éthique religieuse. Et nous sommes tellement habitués à recevoir une information qui fait appel à nos émotions que nous évaluons davantage son intérêt à l’aune de notre sensibilité que de sa qualité objective (véracité, fiabilité). Pourtant, quelle que soit la réaction que nous inspire une information, notre honnêteté et notre souci de la vérité devraient systématiquement nous pousser à l’examiner de plus près. En effet, faire circuler une fake news engage notre responsabilité car il est presque impossible de réparer les dégâts qu’elle peut causer. C’est d’autant plus important pour le chrétien, dont la quête de vérité – motivée par l’amour pour Dieu et le désir d’être juste – ne devrait jamais avoir de fin.
Élise Lazarus